Le 29/11/2013, à bord du navire océanographique Atalante
Début d’acquisition sismique : incident avec les requins sur la flûte
par David Graindorge (UBO,
Le 29/11/2013 après le déploiement dans la nuit de l’ensemble du système de réception (flûte) et d’émission (canons), le dispositif est mis en route et testé. Alors que nous sommes en pleine procédure de ramp-up (mise en route progressive des canons défini dans un protocole de respect des mammifères marins), l’équipe sismique nous annonce qu’elle ne reçoit plus le signal d’une partie de la flûte sismique et de la bouée de queue. Cette situation est exceptionnelle et implique qu’un événement non commun se soit produit quelque part le long des 4 km du dispositif tracté derrière le navire. La bouée de queue et une partie de la flûte sont à la dérive
La seule solution est de remonter l’ensemble du dispositif encore tracté et de récupérer les éléments à la dérive. Pour les scientifiques et l’ensemble des équipes, c’est une situation difficile car cela signifie qu’il va y avoir beaucoup de travail et d’importantes pertes de temps qui signifient du retard et la non réalisation d’une partie du programme de la mission.
La remontée de la flûte encore tractée par le navire ne pose pas de problème. La récupération des éléments à la dérive et en particulier de la bouée de queue est en revanche beaucoup plus délicate (photo 1).
Photo 1 : manœuvre d’approche pour la récupération de la bouée de queue à la dérive.
Grâce à la compétence des marins et de l’équipe sismique, l’ensemble des éléments est finalement récupéré après de longues heures d’effort. C’est maintenant l’heure de faire le bilan. Le constat est alarmant, la flûte a littéralement était coupée en deux (photo 2) et profondément déchiquetée à d’autres endroits (photo 3).
Photo 2 : flûte coupée et câbles disloqués
La flûte afin d’être maintenue à une profondeur constante est équipée de contrôleurs d’immersion munis d’ailettes. Certains des ces contrôleurs d’immersions ont eux aussi subi des dommages importants, le plastique est profondément entaillé dans son épaisseur (Photo 4).
Photo 4 : contrôleur d’immersion déchiqueté
Il paraît clair que le dispositif a subi un attaque en règle d’animaux puissants et munis d’une sérieuse dentition leur permettant de sectionner des câbles de plusieurs millimètres de diamètre et d’endommager des plastiques épais. La réponse ne s’est pas faite attendre dans les plastiques sectionnés, l’équipe a retrouvé un morceau de dent de requin (Photo 5) ... impressionnant ! Il faut savoir que les requins sont munis d’une dentition exceptionnelle qui se renouvelle sans cesse à la façon d’un tapis roulant. Pour eux la perte d’une ou plusieurs dents lors d’une attaque est tout à fait normal et sans conséquence. Nous ne pouvons pas en dire autant !
Photo 5 : morceau de dent de requin retrouvé sur les morceaux endommagés de la flûte
Ce genre d’attaque d’un dispositif de sismique reste tout à fait exceptionnel. Le chef de mission et moi-même avions déjà vu des éléments endommagés en Equateur dans une opération comparable en l’an 2000 mais jamais des dégâts aussi importants. Pour l’équipe sismique aussi, c’est une première, pas de chance.
Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Lorsque la flûte s’est trouvée sectionnée, elle a coulé sous la bouée de queue alors à la dérive, mais les éléments qui composent la flûte ne sont pas prévus pour résister aux fortes pressions dues à cette immersion imprévue. Certains contrôleurs d’immersion ont été écrasés par la pression (Photo 6).
Photo 6 : contrôleur d’immersion écrasé sous l’effet de la pression.
Pour finir, la récupération de la bouée queue, après une longue dérive de plusieurs heures, a été une manœuvre délicate qui conjointe au temps de dérive a permis au dispositif de s’emmêler de manière complexe rajoutant encore des difficultés (Photos 7 et 8).
Photo 7 : Récupération difficile de la bouée de queue à la dérive
Photo 8 : les morceaux de flûte attachés à la bouée à la dérive emmêlés dans un contrôleur d’immersion ... quel sac de nœuds !
CONCLUSION : beaucoup de frustrations pour l’équipe scientifique qui attend ces données depuis des années, beaucoup d’efforts pour les équipes d’acquisition de la sismique, mais aussi la satisfaction de voir des marins et des équipes compétentes qui assurent en sécurité la récupération et la remise en état d’un matériel onéreux. L’acquisition des données en mer et ceci malgré tous les moyens modernes reste quelque chose de difficile, soumis à de nombreux aléas ; cela souligne d’autant plus la valeur des données.